La communication proposée s'inscrit dans le droit fil de l'invite adressée par Céline Boutantin en fin de son ouvrage Terres cuites et culte domestique. Bestiaire de l'Égypte gréco-romaine (Leiden – Boston, 2014), une invitation à multiplier les études des terres cuites gréco-romaines d'Égypte remettant en jeu, si ce n'est en question, les enquêtes qui leur ont déjà été consacrées. C'est par l'intermédiaire des figurines de dromadaires que le présent exposé entend y répondre. À une nuance près toutefois qui consistera à étendre l'investigation aux sphères culturelles concernées par ces terres cuites et de l'emploi qu'il est fait de ces artéfacts bon marché. Afin d'obtenir des données nouvelles, il ne sera pas attendu ici de matériels nouveaux, mais il sera plutôt question de mettre à l'épreuve les valeurs sociologiques dégagées pour des types de figurines similaires ; en l'occurrence, celles des chiens maltais ou encore des chevaux, des animaux parmi les plus représentés en terre cuite, alors qu'avant l'époque hellénistique, ils occupaient en Égypte une place particulièrement circonscrite ou étaient, pour le maltais et le dromadaire, quasi étrangers. La lecture de ces « œuvrettes », ainsi que les dénommait G. Nachtergael, sont à même de renouveler la perception que nous avons des conceptions socioculturelles de leurs consommateurs présents sur le sol égyptien, cela pour autant que nous suivions des démarches fructueuses, songeons par exemple à celles de St. Huysecom-Haxhi, A. Muller, etc., ces auteurs ayant pu les mettre en évidence de façon pertinente pour la coroplathie grecque, et ce, depuis maintenant une quinzaine d'années. Par ailleurs, nous voulons souligner que se priver des points de vue propres à ces sphères culturelles communes à l'Égypte depuis le IIIe siècle avant notre ère, à la seule invocation de la pérennité d'une mentalité égyptienne largement nourrie par les commentateurs d'éléments religieux parmi les plus savants – et alors même que ces pièces sont à juste titre rattachées au domaine « populaire » –, ne peut que biaiser leur examen. Inventer / retrouver une signification égyptienne, très souvent religieuse, relève d'une analyse somme toute superficielle et dont la « seule » caution serait leur production en Égypte [1]. Les contextes de découvertes, bien qu'il soit régulièrement fait mention de leur fragilité voire de leur méconnaissance, devraient engager une ferme remise en question de ce penchant analytique, il n'est que de rappeler la part nulle des terres cuites animales retrouvées dans les temples de la campagne égyptienne et leur grand nombre découvert dans les maisons (les greniers à grains / magasins) de familles modestes, grecques ou hellénisées. En d'autres termes, établir concrètement leur usage / signification gréco-romain(e) ne doit enlever en rien l'intérêt que ces terres cuites d'Égypte revêtent pour comprendre la société / les groupes sociaux qui les ont produites et consommées. Au contraire, ainsi que nous l'avons déjà montré ailleurs (J. Gonzalez 2011 ; 20121 ; 20122 ; 2014), reconnaître « objectivement » dans ces terres cuites des stéréotypes figuratifs animaliers ne peut qu'aider à révéler les modes de penser corollaires.
[1] Une autre raison réside dans le fait que de nombreux thèmes, notamment animaliers, sont communs aux sphères culturelles égyptienne, proche-orientale et gréco-romaine, cette dernière en venant à recouvrir les deux premières. Il faut préciser que des terres cuites gréco-romaine d'Égypte offrent des thèmes qui relèvent à l'évidence de l'héritage égyptien, ainsi les figurines reprenant la forme de l'enfant divin assis et coiffé des plumes du dieu Amon, des protomés de bovidés dont les cornes enserrent un disque solaire avec uraeus (« protomés d'Apis »), etc. Conséquence naturelle de ces approches, les commentaires toujours régulièrement diffusés, calqués sur le type suivant et à forte teneur hypothétique : « S'il est probable [nous soulignons] que cette multitude divine [Isis, Harpocrate, Aphrodite, Min, Sérapis, Bès] fut l'objet d'un culte domestique, peut-on y associer les chiens, chevaux, cochons, coqs et dromadaires qui leur tiennent compagnie ? Voir en eux les représentations de biens, du cheptel familial, placé sous la protection des dieux vénérés dans les maisons, paraît une hypothèse acceptable. »